Les
témoignages es
Elève sérieux et valeureux
Allocution
prononcée lors de ses obsèques par
le Médecin principal de 1ère classe Trassagnac, Directeur
du Service de Santé de la Division d'Oran.
Lorsque, il y a quelques semaines à peine, la nouvelle nous
parvint que le Médecin Major Robert, au chevet des
typhoïdiques de Misserghin, venait de contracter lui-même
la terrible maladie, nous fumes tous de cœur avec lui et
avec sa famille si éprouvée pour souhaiter ardemment sa
guérison prochaine et c'est avec une profonde tristesse que
nous avons suivi la marche inexorable du mal qui vient
d'emporter notre camarade bien cher.
Pourquoi hélas faut-il que la mort aveugle vienne frapper
si prématurément un médecin tel que lui qui était un des
meilleurs parmi les meilleurs ! Car c'était une nature
d'élite, possédant au plus haut degré les dons du cœur
et ceux de l'esprit, unis à l'urbanité la plus exquise, à
l'intelligence la plus vive et aux connaissances les plus
approfondies.
C'était aussi un travailleur acharné, toujours d'une
humeur égale et prêt à se dévouer à tous et à tout
moment, avec une activité souriante et
inlassable.
Sa carrière s'annonçait brillante et sans nul doute le
grade supérieur n'aurait pas tardé à récompenser ses
facultés de premier ordre et les éminents services qu'il a
rendus à l'armée et que j'ai hautement apprécié depuis
mon arrivée dans la Division.
Nous faisons en lui une perte irréparable. Il a été
l'honneur du corps de santé pendant sa vie et sa mort
ajoute une nouvelle page aux archives d'héroïsme où l'on
peut lire les noms de ces "héros sans gloire" qui
après avoir donné à l'armée et au pays leur science,
leur labeur et leur dévouement, n'hésitent pas à donner
plus encore, leur bien le plus précieux, leur vie à ceux
qui souffrent.
Monsieur le Ministre de la Guerre, par télégramme, lui a
décerné la Médaille d'Or des Épidémies. Monsieur le
Médecin Inspecteur Général, Directeur du Service de
santé du XIX ème Corps qui m'a chargé de le représenter,
prend une part profonde au deuil qui nous frappe. De toutes
parts, de Monsieur le Préfet d'Oran, de Monsieur le
Général Commandant provisoirement la Division, de la
Presse de la ville, de maints Officiers de Garnison qui ont
pu éprouver le dévouement de Robert, m'arrive un concert
de louanges et de regrets qui, tout en nous faisant mieux
comprendre la grandeur de notre perte, serait, s'il était
possible, un baume adoucissant et une légère consolation
pour sa famille en deuil dont je salue avec émotion
profonde, la douleur et le désespoir inconsolables.
Il y a quelques mois à peine, nous assistions à la
fondation d'un foyer qui se créait sous les auspices les
plus brillants et les plus riants, et, si peu de temps
après cet heureux évènement, nous rendons, hélas, les
derniers devoirs à notre collaborateur et ami. Il est
tombé à son poste de combat de médecin. Vous savez que
lors de l'épidémie de typhoïdiques de Misserghin;
l'hôpital Baudens, à la requête de l'Administration
civile reçut de nombreux grands malades de cette localité.
Ce fut Robert qui les traita avec toute sa science et tout
son cœur et qui maintes fois, éclaira son diagnostic par
des recherches de Laboratoire sur le sang : en plein risque
de contagion il contracta le germe éminemment infectieux
qui l'obligea à s'aliter le 1er Janvier dernier.
Les nombreuses années passées à l'Institut Pasteur de
Paris avaient fait de Robert un bactériologiste de premier
plan dont la compétence connue sortait des limites de
l'Afrique du Nord. Sa longue collaboration avec des Maîtres
comme Rist et Léon Bernard à l'Hôpital Laennec, l'avait
classé parmi les meilleurs cliniciens. Et c'était aussi un
médecin militaire dans toute l'acception du terme, toujours
plein d'entrain et de bonne humeur, toujours prêt à
marcher et à rendre service. Il avait eu la Médaille
d'Honneur des Épidémies pour ses soins aux malades
atteints de typhus et de choléra après la retraite de
Serbie. Il avait obtenu en 1916 cette citation à l'Ordre de
la 7ème Armée "Médecin chef de l'Hôpital de
Senones, lors de la prise de cette ville par les Allemands,
a, par sa haute valeur morale, son calme, son absolu mépris
du danger et ses exhortations aux malades et au personnel
empêché une panique de se produire sous l'averse de
projectiles qui tombaient sur et autour de cet
établissement.
Quelle tristesse n'éprouve t'on pas aujourd'hui devant ce
foyer détruit, cette jeune femme en larmes et cet enfant de
quelques mois à peine. Quelle tristesse lorsque l'on se
représente l'angoisse de ce père veuf et incapable de se
déplacer, dans cette bourgade de Touraine où il était
médecin, recevant par télégrammes, le bulletin de santé
de ce fils unique, bulletin, hélas, de plus en plus
alarmant. Son expérience de vieux praticien ne pouvait s'y
tromper.
Devant cette tombe prématurément ouverte, les consolations
à ceux qui pleurent l'être cher sont superflues. Ils
auront cependant un réconfort en présence de cette foule
immense et recueillie et devant l'émotion de ses humbles
collaborateurs, infirmiers et malades qui spontanément
demandèrent à porter les couronnes devant le char
funèbre.
Dormez en paix ami, vous anoblissiez notre profession et
vous honoriez grandement le Corps auquel vous
apparteniez.
Lettre
adressée le 9 février 1928 au Médecin Principal
Trassagnac, Directeur du Service de Santé de la Division
d'Oran par le Général Naulin, commandant
le 19 ème Corps d'Armée.
Mon
cher
Directeur,
J'ai
appris au cours d'un déplacement récent la mort du
Médecin Major Robert, victime de son dévouement.
De retour à Alger, je m'empresse de vous exprimer, ainsi
qu'au Médecin Chef de l'Hôpital Baudens mes très vives et
très sincères condoléances à l'occasion du deuil qui
frappe le Service de Santé de la Division d'Oran.
Encore un nom qui vient, hélas ! s'ajouter à la liste
déjà longue des médecins militaires morts en
accomplissant leur devoir.
Je vous prie de croire à mes sentiments cordialement
dévoués
Signé "Naulin"
Lettre
du Docteur Frecus 13 rue d'Igli à Oran au Président de
l'Académie de Médecine à Paris.
Monsieur
le Président,
Un de mes confrères de l'armée, le Docteur Robert,
Médecin Major de 2ème classe à l'hôpital militaire
Baudens d'Oran, vient de succomber à une atteinte de
fièvre typhoïde grave contractée au chevet de ses malades
ou au cours d'examens qu'il pratiquait quotidiennement dans
le laboratoire de bactériologie dont il était chef de
service.
Si je signale à votre attention cette victime du devoir
professionnel, c'est parce que j'ai lu, dans un récent
journal de médecine, que le prix Huchard n'avait pas été
décerné cette année, faute de candidats.
Robert, qui m'a succédé à l'Hôpital Baudens dans le
service des contagieux que j'ai dirigé moi-même pendant
quatre ans, alors que j'appartenais à l'Armée, s'est vu
imposer exceptionnellement cette année, le traitement de
malades civils atteints de la fièvre typhoïde - pour
décongestionner les établissements affectés à ceux-ci -
dans un hôpital exclusivement réservé aux malades de la
Guerre. Il a assumé cette nouvelle tâche sans
récrimination, avec la modestie qui le caractérisait et
qui s'alliait, d'autre part, à une science consommée,
appréciée de ses camarades et de ses chefs.
Avant sa mort, la Médaille d'or des Épidémies lui a été
accordée, juste hommage rendu à son dévouement, à son
abnégation comme à sa bonté.
Mais si le prix Huchard ne doit pas seulement récompenser
des actes d'héroïsme professionnel, ne pensez vous pas,
comme le penseront aussi ses chefs, qu'il est digne de faire
partie de cette phalange de candidats morts à leur poste,
à classer en vue du prochain prix Huchard à décerner l'an
prochain, s'il n'a pu l'être en 1927 ?
Mon intervention personnelle auprès du Président de
l'Académie de Médecine, sera, j'en suis convaincu,
appréciée de lui-même, quand il saura qu'elle est guidée
par l'affection et la haute estime que je portais à mon
regretté camarade; qu'elle est motivée, d'autre part, par
ce fait qui, si des chefs militaires ont eu à prononcer sur
une tombe prématurément ouverte, des paroles d'éloges et
de regrets, là ne doit pas s'arrêter leur action. Il leur
appartient, comme il est du devoir d'un confrère, de
signaler à la Haute Assemblée, les victimes héroïques,
comme celles plus modestes, de notre profession médicale
succombant à un mal implacable en soignant des malades, à
quelque catégorie qu'ils appartiennent, sans distinction de
race, d'origine.
De tels sacrifices doivent être commémorés comme il
convient, en les portant ç la connaissance de
l'Académie.
Signé Frecus
Documents
Articles de presse
Echo de l'Oranie
Avis de décès
Hommage
de la presse tourangelle à ce natif de Touraine
Lettre du Directeur du Service de
Santé de la Division
d'Oran
Article
de l'Echo d'Oran
Hôpital
Fernand-Lucien ROBERT à partir de 1932
Lettre
de remerciement du médecin chef de l'Hôpital Militaire de
Sidi-Bel Abbés suite à la remise par son épouse Jeanne
Louise Robert d'un portrait qui prendra place dans la salle
d'honneur de l'Hôpital Fernand Lucien Robert à Sidi Bel
Abbes.
© Copyright 2013 - Bernard Robert. Tous droits réservés
|